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Je n’ai pas formé le projet de m’élever jusqu’à la discussion de ces questions sublimes, qui me fourniroient tout au plus la matière d’un commentaire assez inutile sur le vieil adage de Salomon : Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Je sais mieux accommoder mes recherches à la portée de mon petit savoir et de ma foible intelligence. Une induction d’ailleurs suffira pour toutes, si je la tire des nouveautés les plus étranges et les plus inaccoutumées ; et comme il est déjà suffisamment démontré que l’omnibus véhicule, ou trajectice, remonte au dix-septième siècle où il fut inventé par Pascal, je me contenterai de prouver que l’omnibus-restaurant remonte au seizième siècle où il fut inventé par le parlement de Rouen, qui se montra cette fois très avancé en civilisation, quoiqu’il eût été précédé à son insu, par la police chinoise. Matière de bouquin.

Ce fut en effet vers la fin du XVIe siècle, et je ne dirai pas l’année pour deux raisons principales : la première qui est assez péremptoire, c’est que je ne la sais pas ; la seconde, c’est que mes doctes maîtres de Rouen ne seront pas embarrassés de la savoir ; ce fut, dis-je, bien avant dans sa dernière moitié, mais certainement au mois de juin, que le prudent sénat de la province anticipa de plus de deux cents ans, par une décision hardie, sur les sages mesures des sociétés de tempérance, qui viennent d’être instituées au nord de l’Amérique. Les artisans de ce temps-là, comme ceux du nôtre, dissipoient beaucoup de temps dans les loisirs dispendieux du cabaret ; le travail n’avançoit guères ; les monuments suspendus invoquoient en vain l’activité de quelques mains laborieuses ; des voluptés abrutissantes faisoient passer dans l’impur trésor des taverniers les éléments de la subsistance et peut-être de la prospérité des familles. Le remède étoit difficile, mais dans ces jours encore barbares