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ÉCHANTILLONS
CURIEUX
DE STATISTIQUE.
[PAR M. CH. NODIER.]


« Il y a vingt ans que je ne mis en livre une heure de suite », et je demande mille fois pardon au lecteur de m’appliquer si cavalièrement un passage de Montaigne, liv. III, chap. VIII des Essais. Cela résulte peut-être de ce que la première page venue du premier livre venu offre assez de matière à réfléchir aux esprits qui réfléchissent, depuis Montaigne jusqu’à moi, pour que les longues lectures en deviennent confuses, fatigantes et stériles. On n’amasse jamais trop d’idées à l’âge qui les amasse ; la multiplicité des idées nuit à leur clarté, à l’âge qui les élabore. Il en est de la faculté d’acquérir des notions instructives comme de ces arbres chargés de fruits naissants qui sourient à l’espérance des cultivateurs, et qu’ils émondent eux-mêmes à une époque plus avancée, pour leur laisser la possibilité de se nourrir également des sucs de la terre, et de mûrir également aux feux du soleil.

Un autre auteur, qui est certainement plus digne que moi d’être cité après Montaigne, a dit quelque part qu’il n’y avoit point de si mauvais livre où l’on ne trouvât quelque chose d’utile, si on se donnoit la peine de la chercher. C’est une expérience que j’ai faite mille fois, et souvent avec