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pas si fiers. Toutes leurs inutiles pseudonymies, si artistement recherchées, paroissent plutôt l’artifice de la modestie qui se lasse de la publicité quotidienne d’un nom traîné dans les boutiques et dans les conversations, que le caprice d’en changer : modestie, non sévère et presque bigote, comme celle de ces graves solitaires de Port-Royal, dont le sourcilleux scrupule a si mal réussi à dissimuler sous les noms de Royaumont, de Damvilliers et de Montalte, ceux de Le Maître de Sacy, de Nicole et de Pascal ; mais pudique et peut-être coquette, comme celle de la nymphe qui s’enfuit derrière les saules en désirant d’être vue.

Ce n’est pas que l’éclat d’un titre féodal n’ait tenté quelquefois l’orgueil d’un faquin de cette époque, tout aussi bien qu’il l’a fait depuis ; seulement les exemples en sont plus rares ; il faut bien chercher pour trouver Bluet d’Arbères, comte de Permission, et chevalier des ligues des treize cantons suisses, mais c’étoit une espèce de mendiant vagabond à demi-fou et complettement imbécile ; ou Nicolas Joubert dit Angoulevant, prince des Sots, mais c’était un histrion titré par lettres-patentes ; et il n’y a guères de noblesse mieux avérée que celle-ci, car elle a été reconnue par un arrêt du parlement de Paris, à la date du 19 février 1608, sur le plaidoyer du docte avocat maître Julian Peleus. Quant à Estienne Tacourot et Nicolas Denisot, écrivains d’une tout autre volée, la seigneurie des Accords du premier n’étoit qu’une allusion au tabour ou tambour dont il avoit fait, par manière de rébus, le corps de sa devise ; le faux nom de conte d’Alsinois que prit le second n’étoit qu’une rencontre fortuite d’anagramme.

La traduction du nom dans une langue savante seroit aujourd’hui un moyen piquant de se déguiser : l’érudition des lecteurs ordinaires ne va plus jusqu’à pénétrer