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qui débrouilloient à la suite de Villon l’art confus de nos vieux romanciers, et qui étoient pour le moins aussi indifférents au siècle de Baillet que les latinistes de Baillet le sont au nôtre. Le goût de cette bonne et naïve littérature qu’on appeloit encore gauloise, il y a quelques années, a prévalu de nos jours, et les amateurs de broutilles littéraires, marquées au coin de la vétusté, ne sont pas près de se lasser d’élucubrations bibliographiques. Le temps seroit donc favorable à la publication d’une clef des pseudonymies si multipliées alors, et je la recevrois pour ma part avec un plaisir infini des mains d’un homme de savoir, qui seroit capable de répandre quelque agrément sur ces matières ardues. On voit que j’ai d’excellentes raisons pour ne pas la donner moi-même. Je me propose seulement d’en dire quelques mots en passant, ne fût-ce que pour éveiller et stimuler des souvenirs plus féconds :

Non licet omnibus adire Corinthum ;


mais il n’est pas absolument nécessaire d’être allé à Corinthe pour en indiquer le chemin.

Le désir de déguiser un nom trivial et mal-sonnant sous un sobriquet euphonique, flanqué de la particule nobiliaire, est une vanité plus moderne, et Dieu garde de mal tous les écrivains françois, gentillâtres ou vilains, qui ont ainsi abdiqué parentelle et patronymie, pour aller plus harmonieusement à la gloire, sous la protection de quelques syllabes retentissantes. D’Arouet, il n’en est plus question, et l’on n’oubliera jamais Voltaire. Tout le monde connaît Dancourt, Marivaux, Crébillon, Voisenon, La Chaussée, Sainte-Foix, et besoin est de posséder un peu d’érudition onomatologique pour retrouver ces illustres personnages dans Carton, Carlet, Jolyot, Fusée, Nivelle et Poulain. Leurs vieux prédécesseurs n’étoient