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gnard, de Dancourt, de Marivaux, de Molière, du grand Molière, seront condamnées à subir à l’infini les interprétations forcées des grammairiens, comme la scène punique du Pœnulus de Plaute, parce qu’il aura plu au comité d’arrondissement de Cahors de traiter notre françois originaire, notre aimable langue maternelle, comme les Romains encore à demi-barbares ont traité le carthaginois ! Ne trouvez-vous pas qu’il y a dans l’idée de supprimer les patois, je ne sais quoi qui porte à rire, et je ne sais quoi qui force à pleurer.

Et voyez le malheur auquel vous avez miraculeusement échappé ! Si le comité d’arrondissement de Cahors avoit régi les études primaires de la Grèce antique sous Pisistrate ou sous Périclès (ceci est une pure supposition) ; s’il les avoit régies en ce temps-là, le comité d’arrondissement de Cahors, comme il les régit aujourd’hui dans notre France universitaire ; s’il avoit supprimé brutalement les dialectes provinciaux, comme il vient de supprimer les nôtres, par une délibération spontanée ; formulée à huis-clos ; signée : Le comité d’arrondissement d’Athènes, et plus bas : Donnée en notre Athénée, le Recteur de l’académie ! je tremble, j’ai horreur de vous dire ce qui seroit advenu !… Nous ne saurions pas aujourd’hui qu’il fut un Homère !

Quoi ! l’usage habituel des patois méridionaux a été signalé par les bons esprits comme une des principales causes de la supériorité littéraire des provinces du nord de la France sur les provinces du midi !…

Je le veux bien. C’est là un de ces procédés d’exquise urbanité dont le Sud est parfaitement maître de prendre l’initiative sur le Septentrion, et je lui en sais beaucoup de gré pour ma petite part de vanité arctique. Je n’ignore pas, toutefois, qu’une politesse en vaut une autre, et je m’en souviendrai mieux tout-à-l’heure en relisant Rabelais, Montaigne et Montesquieu.

Mais le comité d’arrondissement de Cahors se seroit-il persuadé par hasard qu’il n’y eût de patois en France que le patois languedocien, et que le Nord n’eût pas le