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LÉGENDE DE SŒUR BÉATRIX


Maria, gratia plena.


Il étoit bien convenu en France, il y a une vingtaine d’années, que tous les trésors de la poésie sont renfermés sans exception dans le Pantheum mythicum de Pomey, et dans le Dictionnaire de la Fable de M. Noël. Un nom inconnu de Phurnutus, une fable ignorée de Paléphate, un récit tendre et touchant qui ne remontoit pas aux Métamorphoses, toute idée qui n’avoit pas passé à la filière éternelle des Grecs et des Romains, étoit réputée barbare. Quand vous en aviez fini avec les Aloïdes, les Phaëtontides, les Méléagrides, les Labdacides, les Danaïdes, les Pélopides, les Atrides, et autres dynasties malencontreuses, fatalement vouées aux Euménides par la docte cabale d’Aristote et surtout par la rime, il ne vous restoit plus qu’un parti à prendre : c’étoit de recommencer, et on recommençoit. La patiente admiration des collèges ne se lassoit jamais de ces beaux mythes qui ne disoient pas la moindre chose à l’esprit et au cœur, mais qui flattoient l’oreille de sons épurés à la douce euphonie des Hellènes. C’étoit Bacchus né avant terme au bruit d’un