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place du Morimont. Vingt-quatre ans après, la tête de Charles Ier tomboit à Whitehall sous une hache plus assurée que celle de Simon Grandjean, et la jeune fille de Bourg-en-Bresse eut le temps de prier pendant un demi-siècle pour l’absolution de son âme. Les desseins de Dieu sont impénétrables, et le cœur de l’homme est aveugle ; mais il n’est pas besoin d’avoir pénétré bien avant dans l’étude des choses passées pour reconnoître qu’il y a quelque chose de mystérieux et de symbolique au fond de toutes les histoires.

Et comme il faut une moralité aux contes les plus vulgaires, vous ne me défendrez pas, messieurs, d’en attacher une à celui-ci, qui est un des plus extraordinaires, et cependant des plus vrais, que vous ayez jamais entendu réciter. C’est qu’il seroit bien temps que le genre humain réprouvât d’une voix unanime cette justice impie qui a usurpé insolemment l’œuvre de la mort sur la puissance de Dieu, l’œuvre que Dieu s’étoit réservée quand il frappa toute notre race d’un jugement de mort qui n’appartenoit qu’à lui. Oh ! vous êtes de grands faiseurs de révolutions ! Vous avez fait des révolutions contre toutes les institutions morales et politiques de la société ! Vous avez fait des révolutions contre toutes les lois ! Vous en avez fait contre les pensées les plus intimes de l’âme, contre ses affections, contre ses croyances, contre sa foi ! Vous en avez fait contre les trônes, contre les autels, contre les monuments, contre les pierres, contre l’inanimé, contre la mort, contre le tombeau et la poussière des aïeux. Vous n’avez point fait de révolution contre l’échafaud, car jamais un sentiment d’homme n’a prévalu, jamais une émotion d’homme n’a palpité dans vos révolutions de sauvages ! Et vous parlez de vos lumières ! et vous ne craignez pas de vous proposer pour modèles d’une civilisation perfectionnée ! Oserois-je vous demander où elle est votre civilisation ? Seroit-ce par hasard cette stryge hideuse qui aiguise un