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Je marchai derrière elle à travers les genêts fleuris et des buissons de landiers, jusqu’à ce que nous eussions gagné le hameau. Enfin, elle me montra le seuil de la cabane, et j’entrai dans la chambre où sa fille reposoit sur un vieux lit de sangles, entre deux rideaux verts.

Elle étoit appuyée sur un de ses bras ; ses yeux étoient hagards, ses joues rouges et brûlantes, sa bouche haletante et pâle. Elle paroissoit avoir seize à dix-sept ans au plus, mais ses traits avoient peu d’agrément ; on y remarquoit seulement cette expression touchante et passionnée qui a le pouvoir de tout embellir.

— Suzanne, lui dit sa mère, voilà un monsieur de grand savoir qui guérira sûrement ton mal.

Elle, se tourna vers la muraille en souriant doucement.

— Suzanne, continuai-je en m’emparant de sa main, ne vous abandonnez pas à une défiance injuste ; il y a des remèdes pour tout.

Elle souleva sa tête, et me regarda fixement.

— En examinant quelque temps les caractères de votre maladie, je trouverai sans doute les moyens de vous soulager.

Elle sourit de nouveau et retira sa main de la mienne avec un léger effort.

Sa mère sortit.

Je ne sais quel trouble s’étoit emparé de moi. Je marchois à grands pas dans la chaumière, et mon imagination ne saisissoit que des pensées sans harmonie et sans ordre.

Cette jeune fille m’intéressoit.

Je revins près d’elle, et je m’assis. J’entendis un soupir.

Je cherchai la main qui m’avoit quitté. La mienne étoit ardente ; elle la pressa.

— Suzanne, m’écriai-je en l’appuyant sur son cœur, Suzanne, c’est là que tu souffres.