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épaules de Baptiste, si son compagnon ne les eût effrayés.

Après une demi-heure de marche, nous traversâmes les baraques des bûcherons. Les enfants s’amassèrent sur notre passage.

— Oh ! voilà, crioient-ils, l’innocent aux rouges guêtres, le fils à la mère Montauban, qui va chasser sans filets. — Bonne chasse, brave Bâti ! rapportez-nous quelque oiseau, un gros geai bleu à moustaches, un beau compère-loriot noir et jaune, ou un de ces méchants piverts qui font des trous dans nos arbres ; — et ne fût-ce qu’un verdier.

— Non, non, leur répondoit Baptiste, vous n’aurez plus de mes oiseaux comme par le passé, et je me repens bien de vous en avoir donné quelquefois. Vous les emprisonnez dans des cages, au lieu de les retenir par des caresses. Vous leur coupez les ailes et vous les faites souffrir ! Vous n’aurez plus de mes oiseaux. L’esprit de Dieu est dans l’oisillon qui vole ; il n’est pas dans le cruel enfant qui le garrotte, qui le mutile, qui le tue et qui le mange. Vous êtes une race méchante, et les petits oiseaux du ciel sont mes frères.

Et Baptiste reprit sa course au milieu des éclats de rire de ces misérables enfants, qui s’étonnoient sans doute de le trouver tous les jours plus stupide et plus insensé !

Je les aurais volontiers frappés, car je ne pouvois me défendre d’aimer Bâti de plus en plus.

Quand nous fûmes arrivés à la Bée d’Ain, Baptiste s’arrêta comme si une barrière de fer s’étoit opposée à son passage ; il recula même de quelques pas, et se retourna du côté de la forêt en appelant ses oiseaux.

— Oh ! oh ! dit-il, où êtes-vous, les jolis, les mignons, les bien-aimés ?… Où êtes-vous, les jeunes serines du taillis ? où êtes-vous, Rosette ? où êtes-vous, Finette ? Faut-il croire que vous ne m’aimiez plus, ingrates que