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suspendue dans un doute rêveur et mélancolique, l’endort comme une mélodie, et la berce comme un rêve.

Il y a l’histoire fantastique vraie, qui est la première de toutes, parce qu’elle ébranle profondément le cœur sans coûter de sacrifices à la raison ; et j’entends par l’histoire fantastique vraie, car une pareille alliance de mots vaut bien la peine d’être expliquée, la relation d’un fait tenu pour matériellement impossible qui s’est cependant accompli à la connoissance de tout le monde. Celle-ci est rare, à la vérité, si rare, si rare que je ne m’en rappelle aujourd’hui d’autre exemple que l’histoire d’Hélène Gillet.

À une histoire vraie, le mérite du conteur est sans doute peu de chose. Si son imagination vient s’en mêler, la broderie risque fort de me gâter le canevas. Son principal artifice consiste à se cacher derrière son sujet. Quand on examine, il doit éclaircir ; quand on discute, il doit prouver. Alors l’émotion va croissant, comme celle du spectateur d’une scène d’illusions, dont la main s’étend machinalement pour détourner un fantôme, et s’arrête, glacée d’horreur, sur un corps vivant qui palpite et qui crie ; mais l’histoire d’Hélène Gillet demanderoit à ce compte un volume de développements écrits, et j’ai une excellente raison pour ne pas le faire : c’est qu’il est fait, et supérieurement fait, par un des hommes les plus instruits de l’époque où nous vivons[1]. Il en a puisé les documents dans le XIe tome du vieux Mercure français de Richer et Renaudot, dans la Vie de l’abbesse de Notre-Dame du Tart, madame Courcelle de Pourlans[2], et dans les manuscrits authentiques de la chambre des comptes et de la mairie de Dijon, de sorte qu’il n’y a

  1. Histoire d’Hélène Gillet, ou Relation d’un événement extraordinaire et tragique survenu à Dijon dans le dix-septième siècle, par un ancien avocat. Dijon, Lagier, 1829 ; in-8 de 72 pages.
  2. Par Edme-Vernard Bourrée, oratorien, Lyon, Jean Certe, 1699 ; in-8 de 541 pages.