le chemin. La soirée tout entière fut employée à recevoir des présents et à refuser des billets doux. Hélas ! m’écriois-je avec un dédain amer, en repoussant ces témoignages insensés d’une passion que je ne pouvois partager ; hélas ! ce n’est point Zénaïb ! — Et j’ajoutois, en gémissant du profond de mon cœur : Barbare souverain de la Chine, rends-moi Zénaïb, l’unique objet de mes vœux, Zénaïb que tu m’as ravie, ma belle et tendre Zénaïb !… À ce prix, je te laisse sans regret l’empire du monde ! — Il est vrai que je n’y avois pas beaucoup de prétentions.
J’avois paru. Les jours suivants ne firent qu’augmenter mon embarras. Vous ne sauriez imaginer, seigneur, combien il est pénible d’être adoré de toutes les femmes. On pourroit s’accommoder de trois ou quatre, et d’un peu de surplus ; mais, quand cela passe la douzaine, il n’y a réellement plus moyen d’y tenir. Et puis il y a des passions douces et faciles avec lesquelles on est toujours libre de prendre des arrangements ; mais celles que j’avois le malheur d’inspirer étoient si fantasques et si violentes, que je ne me les rappelle pas sans frémir. Il ne fut bientôt plus question que de jeunes beautés éperdues d’amour, qui renonçoient à la modestie de leur sexe pour se disputer le cœur d’un aventurier inconnu. Quelques-unes furent subitement privées de l’usage de la raison ; quelques autres se livrèrent aux dernières extrémités du désespoir. Mon arrivée et mon séjour dans la capitale d’Imérette furent signalés enfin par une insurrection unique dans les annales du monde, et qui ne pouvoit manquer d’attirer l’attention du gouvernement. On me conduisit devant le roi.
Ce prince, qui étoit jeune et beau, m’attendoit avec une impatiente curiosité, au milieu des grands officiers de sa cour.
— Est-ce toi, me dit-il en arrêtant sur moi des yeux étonnés, qui te fais nommer Mahoud, prince de Fardan ?