Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’aime pas le bruit. La gryphone a délogé à tire-d’aile et sans se faire prier aussitôt qu’elle vous a entendus ; et vous n’ignorez pas certainement, puisque vous mettez tant de zèle à mes intérêts, que mon maître le roi Salomon, trompé par les faux rapports de ce méchant animal, lui avoit donné l’autorité souveraine dans mes États, jusqu’au jour où une voix humaine viendrait troubler le silence de ces solitudes. C’étoit à peu près comme qui aurait dit l’éternité, car il n’étoit guère probable que vous prissez un jour fantaisie de venir brailler ici, au lieu de faire endêver messieurs vos parents à domicile. Grâces au ciel, tout est pour le mieux, et il ne me reste plus qu’à vous récompenser suivant vos mérites. Vous verrez, petits, que je sais être reconnoissant, car je vais vous gratifier entre vous trois de tout ce qui peut combler les désirs de l’homme sur la terre, savoir la fortune, le plaisir et la science.

« Et d’abord pour toi, continua-t-il en me passant un ruban au cou et en me montrant un petit coffret qui y étoit suspendu, cette amulette aura la propriété de te faire posséder tous les trésors cachés que nous foulons aux pieds sans les connoître, et de t’enrichir de tout ce qui est perdu.

« Toi, qui n’es que médiocrement joli garçon, dit-il à Mahoud avec la même cérémonie, tu m’auras l’obligation d’être aimé, du premier regard, de toutes les femmes que tu rencontreras dans ton chemin. Ce n’est pas ma faute si tu ne fais pas un bon établissement.

« Toi, dit-il à Pirouz, tu devras à ce talisman l’empire le plus universel qu’il soit possible d’exercer sur le genre humain, puisqu’il te fournira des moyens infaillibles de calmer toutes les douleurs du corps et de guérir toutes ses maladies… — Gardez bien ces précieux joyaux, ajouta-t-il enfin, car c’est en eux seuls que résident les merveilleux talents dont vous voilà revêtus, et