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grand-louvetier ne sera pas venu. Il y auroit du danger pour eux. Ils ont assez de quoi marcher entre la butte et l’étang, depuis que j’ai planté des piquets le long de l’étang pour les préserver d’accident. Je vous pris aussi, Brisquette, de ne pas laisser sortir la Bichonne, qui ne demande qu’à trotter.

Brisquet disoit tous les matins la même chose à Brisquette. Un soir il n’arriva pas à l’heure ordinaire. Brisquette venoit sur le pas de la porte, rentroit, ressortoit, et disoit, en se croisant les mains : — Mon Dieu, qu’il est attardé !…

Et puis elle sortoit encore, en criant : — Eh ! Brisquet !

Et la Bichonne lui sautoit jusqu’aux épaules, comme pour lui dire : — N’irai-je pas ?

— Paix ! lui dit Brisquette. — Écoute, Biscotine, va jusque devers la butte pour savoir si ton père ne revient pas. — Et toi, Biscotin, suis le chemin au long de l’étang, en prenant bien garde s’il n’y a pas de piquets qui manquent. — Et crie fort, Brisquet ! Brisquet !…

— Paix ! la Bichonne !

Les enfants allèrent, allèrent, et quand ils se furent rejoints à l’endroit où le sentier de l’étang vient couper celui de la butte : — Mordienne, dit Biscotin, je retrouverai notre pauvre père, ou les loups m’y mangeront.

— Pardienne, dit Biscotine, ils m’y mangeront bien aussi.

Pendant ce temps-là, Brisquet étoit revenu par le grand chemin de Puchay, en passant par la Croix-aux-Ânes sur l’abbaye de Mortemer, parce qu’il avoit une hottée de cotrets à fournir chez Jean Paquier. — As-tu vu nos enfants ? lui dit Brisquette.

— Nos enfants ? dit Brisquet. Nos enfants ? mon Dieu ! sont-ils sortis ?

— Je les ai envoyés à ta rencontre jusqu’à la butte et à l’étang, mais tu as pris par un autre chemin.