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— Hier, Marguerite ! il n’est pas rentré depuis hier !

— Ah ! monsieur ! c’est une chose incompréhensible, et qui étonne tout le monde. Imaginez-vous que nous eûmes dimanche un grand orage, et qu’il arriva chez nous un seigneur, je jurerois que c’étoit un mylord anglois, qui descendoit du Buet avec un chapeau de paille tout enrubané, et un bâton à glacier, embecqué de corne de chamois, mais mouillé, mouillé, mouillé !…

— Qu’importe cela ?

— Pendant que j’étois allé chercher des fagots pour la sécher, M. de Roberville resta seul avec Gervais.

— M. de Roberville !…

— C’est son nom ; et je ne sais ce qu’il lui dit ; mais hier Gervais étoit si triste ! Cependant il paroissoit plus pressé que jamais de venir à l’esplanade, si pressé que j’eus à peine le temps de jeter sa mante bleue sur ses épaules, parce qu’il avoit beaucoup plu la veille, comme je vous ai dit, et que le temps étoit encore froid et humide. « Mère, me dit-il quand nous sortîmes, je vous prie de retenir Puck et d’en avoir soin. Sa pétulance m’incommode un peu, et si la laisse m’échappoit, nous ne pourrions pas nous retrouver l’un l’autre. » Je l’amenai ici, et quand je vins le rechercher, je ne le trouvai pas.

— Gervais ! m’écriai-je, mon bon Gervais !

— Ô Gervais ! mon fils Gervais ! mon petit Gervais ! disoit cette pauvre femme.

Et Puck ! il mordoit sa laisse, et il bondissoit d’impatience autour de nous.

Si vous lâchiez Puck, lui dis-je, il retrouveroit peut-être Gervais ?

Je ne sais si j’avois réfléchi à ce moyen ; mais la laisse étoit coupée.

J’eus à peine le temps de m’en apercevoir. Puck prit son élan, fit quatre bonds, et j’entendis un bruit comme