midi de juillet, je marchais, toute petite, sur la terrasse de granit, surplombant le lac et enrichie de sphinx en bronze noir, une de mes mains tenue par mon père, l’autre par sa sœur très aînée, ma tante Élise, lorsque j’entendis tous deux me dire, avec précaution, avec ménagement et tendresse, ces mots extraordinaires : « L’oncle Jean est mort. » Ils concevaient donc qu’ils allaient, pour la première fois, offrir à une enfant une pensée terrifiante, car la douceur de leur voix témoignait d’un sentiment de crainte envers moi, et d’excuse.
Bien plus tard, j’admirai qu’on empêchât, sous l’ancien régime, le roi de France d’assister à toute agonie, à toute mort, fût-ce celle du dauphin, son fils. La marque du respect suprême, c’était donc le privilège inhumain, offert au monarque, de n’approcher ni le moribond ni le cadavre. C’est à un sentiment de cet ordre, né au cœur de mon père et de sa sœur, que s’apparentait la phrase, dite à voix basse, insinuée, plutôt que prononcée : « L’oncle Jean est mort. » Tout aussitôt, j’entendis qu’on ajoutait, par piété rêveuse et surtout par égard pour ma surprise bouleversée : « Il est au ciel ! » Je levai les yeux. Un azur sans défaut comblait l’espace et se tenait suspendu sur l’azur faiblement mouvementé du lac. Les floraisons, à l’apogée de leur force et de leur ampleur, teintaient l’atmosphère de nuances éclatantes. On les