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LE LIVRE DE MA VIE

LES CHARMETTES

La route : un tendre miel de menthe
Flottait sur le petit torrent,
Rousseau, quand vous vîntes, errant,
Vers votre humble, immortelle amante.

L’eau coule, le silence est frais,
L’ombre est verte, humide et dormante.
C’est sur cette pente si lente
Que votre fenêtre s’ouvrait !

Tous vos soupirs, tout votre orage,
Qui, dans la plus grande cité,
Mèneront un peuple irrité,
Soulèvent ici le feuillage…

Religieuse pâmoison !
Mon cœur de douceur va se fendre :
Je pousse votre porte, j’entre,
Voici l’air de votre maison !
 
Je me penche à votre fenêtre,
Le soir descend sur Chambéry ;
C’est là que vous avez souri
À votre maîtresse champêtre.

Vos pieds couraient sur le carreau
Et vous traversiez la chapelle
Quand votre mère sensuelle
S’éveillait entre ses rideaux.