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LE LIVRE DE MA VIE

Pourquoi l’hommage opiniâtre et comme agressif, rendu par François Coppée à une sorte de misère idéale, honorable et florissante, ne convainquait-il pas mon cœur pitoyable, déjà fraternellement populaire, alors que le nom de Tolstoï, prononcé autour de nous, me faisait entrevoir les grandes tragédies de la conscience et de la compassion sociale ?

Je n’aimais pas que François Coppée acceptât d’être célébré sous le titre de « poète des humbles », car, respectant les humbles, sachant qu’ils peuvent atteindre à la royauté de l’esprit et du caractère, je leur reconnaissais le droit à la fierté. Parmi les premiers poèmes qui avaient formé ma pensée, se trouvaient les vers où Victor Hugo dépeint un mendiant qui passe son chemin, en vêtements loqueteux, et rencontre un promeneur charitable, disposé à lui faire généreusement l’aumône. Aussitôt, le pauvre se transfigure en beauté, majesté, clarté et représente Jésus-Christ lui-même, dans une tunique parsemée d’astres.

Au moment de l’Exposition Universelle, François Coppée, manquant à toute résignation, se sentit personnellement atteint et incommodé par le récent aspect que la tour Eiffel donnait au visage de Paris. Révélant un nouvel et acerbe patriotisme, il exprima sa rancœur au cours d’un long poème dont ce vers enthousiasma ses amis :

C’est énorme, ce n’est pas grand !