tête chez l’imprimeur ! » Oui, si les images pouvaient passer directement de la substance qui les engendre à la page typographique, si les arabesques de l’esprit s’inscrivaient sur un feuillet comme la fougère aux variétés infinies se dessine dans l’herbier du savant, nous aurions peut-être l’empreinte de la vérité. Et, pourtant, ce livre-là lui-même ne serait pas exact. Il ne révélerait pas suffisamment la délicate ou violente acrobatie de l’idée, la méditation, la témérité, cet état d’univers, dirai-je, qui, hors du sommeil, ne m’a jamais abandonnée.
Je me résous à écrire des Mémoires plus que je ne le souhaite. Un poète sur qui tout le bonheur et le malheur du monde se sont abattus, qui, pour être plus vrai, s’est exprimé avec une sorte d’humble impertinence envers les lexiques et les grammaires, assemblant les vocables comme on hèle le passant, l’inconnu, dont on attend un prompt secours, croit s’être livré entièrement dans ce qu’il a d’individuel et dans ce que la poésie contient d’universel. En écrivant mes poèmes, dans l’excès du plaisir ou de la souffrance, il me semblait que je dépeignais pour autrui non seulement l’attitude et l’abîme où la vie me situait mais encore que je leur désignais les lacets du chemin et les raisons qui me conduisaient. Une âme transparente, pensais-je, en qui s’affirme si fortement la vie, qui aime si puissamment ce qu’elle aime, et aime encore ce qui pourrait lui déplaire, est persuasive, con-