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— Puisque la passion, en son sauvage trot,
              Gaspille sa richesse amère,
Révérons ces instants de la vie éphémère
              Dont chacun nous semblait de trop ! —

Attendre : épuisement sanglant de l’espérance,
              Tentative vers le hasard,
Hâte qui se prolonge, indécise souffrance
              De savoir s’il est tôt ou tard !

Impatience juste, exigeante et soumise,
              À qui manque, pour bien lutter,
Le pouvoir défendu de refaire à sa guise
              L’univers puissant et buté !

— Certes, mon cœur ne veut te faire aucun reproche
              Des minutes que tu perdais ;
Tu me savais vivante, active, sûre et proche,
              Moi, cependant, je t’attendais !

Sans doute la démente et subite tristesse
              Qui se mêle aux jeux éperdus
Est le profond sanglot refoulé que nous laisse
              La douleur d’avoir attendu !…