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laisse insensible à la réelle douleur des appétits réguliers et féroces que secrètement elle méprise. « Le monde appartient à ceux qui n’ont pas d’heures fixes pour les repas », telle est sa devise inhumaine et naïve. Ayant jeté à chacun, avec une gracieuse sûreté, ce sourire volant, distribué en pétales de roses qu’on effeuille, la dame parée et satisfaite de soi pénètre dans la salle à manger, prend place à la table longue, blanche et triste, dont nous ne vanterons ni l’éclat de la nappe, ni les cristaux étincelants, ni les flacons colorés de rubis et de topaze, ni encore les coupes où s’amoncellent les fruits, ce paysage alimentaire ayant ébloui, on ne sait pourquoi, tant de romanciers, qui se sont attachés à le dépeindre en ces mêmes termes, ingénus, excessifs, et désormais classiques !

En ce chagrin séjour qu’est la salle à manger, les maîtres d’hôtel, sérieux et sans joie autant que des gardiens de musée, surveillent et supputent, avec un regard de gendarmes, cette intrusion d’une compagnie