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rête dans leur course verbale, en les priant de bien vouloir réfléchir. Ce n’est point leur affaire. Réellement, leurs pensées viennent du cœur, s’en élancent, s’en évaporent. Les raisons qu’elles donnent jaillissent de ce foyer de la vie où veillent les divinités familiales, domestiques, amoureuses. Les opinions qu’elles émettent ont, en transparence, un visage aimé et dominateur, des intérêts secrets, une inquiétude affective. Aussi est-il cruel et injuste de les inciter à la réflexion ; une femme qui réfléchit fait peine à voir, c’est soudain une enfant blessée, et le chagrin qu’elle nous cause dans le moment où nous la voyons privée des armes naturelles que lui fournit le sentiment, doit s’aggraver de cette conviction qu’il est inutile qu’elle réfléchisse.

Quels que soient les arguments que nous déposons devant elle, clairs, exacts, colorés, séduisants comme des cartes à jouer, et le silence méditatif à quoi nous l’obligeons, elle pensera encore ce qu’elle pensait déjà. La femme est immobile.