rempart et une parure d’événements puissants et inoffensifs. Le monsieur vieux lit le journal paisiblement : on s’y bat, on s’y tue, on y triomphe, on y est victorieux, assassiné, ruiné, aimé. Aimé ! Qu’importe ! le monsieur vieux reçoit sur lui et tolère ce poids formidable des événements qui ne le concernent plus. Toute sa vie de jadis, dont il fut si orgueilleux, est consignée là, en articles étendus, en brèves nouvelles. Il se complaît à ces spectacles dont il fut l’acteur et le héros, à jamais congédié. Assis dans le fauteuil confortable de la vieillesse, il regarde ce qui fut lui-même : agilité, force, insouciance, témérité, ardeur. Il prodigue ses applaudissements ; il est bienveillant, paternel, gentil. Renseigné sur l’artériosclérose, sur l’état de ses bronches, de son cœur, il ménage, il veut vivre. Il vit à petit feu, d’une vie qui tressaille et chantonne à voix basse comme l’eau de la bouillote posée délicatement à l’écart du brasier, et qui ne connaîtra pas la fougueuse et torride évaporation.
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