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perpétuel, il lui faut observer sans cesse, il lui faut tailler toujours.

Une femme que la maladie abat conserve sa rassurante stabilité ; la nature ne lui impose pas un soudain déguisement. Charmante sous le rouge ou le pâle de la fièvre, elle gît, nonchalante, en sécurité, préservée, quant au visage, des sauts et bonds de la nature intérieure. L’homme n’a pas ce repos. Assailli par la grippe, il se sent moins menacé dans sa vie que dans la dignité de la face. Il va, s’il n’y remédie, perdre sa ressemblance, se quitter, devenir cet inconnu dont les joues, le menton, le bord des lèvres sont envahis perfidement par une profuse, tenace, fantaisiste végétation. Sans doute il est des barbes aimables, et nous connaissons de beaux visages mâles que complètent les nuances du cuivre ou de l’ébène. Cependant, je m’avise de penser que si la femme la plus éprise, la plus jalouse, et que hante le net contour d’un ovale trop aimé, pouvait brusquement se représenter ce pur dessin embroussaillé par une sorte de nid