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jour. Je me consultai en m’efforçant de me contraindre, et puis, avec une brusquerie involontaire à laquelle, bien qu’hésitant, je donnais l’aspect d’une indéniable certitude : - Je comprends, lui dis-je, à voix basse : cet homme était votre amant... Je m’attendais bien à une dénégation indignée, à une stupeur qui m’eût immédiatement convaincu. Je l’étais déjà...

Alors, cette femme qui avait tant nié, qui avait affirmé avec une pure et mâle franchise, qui s’était débattue et sortait des embûches comme un athlète attaché brise ses dures cordes, cette femme violente, logique, processive, invincible, soudain éblouie par le seul rappel de son amour, de son coupable et poétique amour, s’arrêta. Je la vis reposer lentement sur son oreiller sa tête jusqu’alors dressée impétueusement, ses bras glissèrent le long de sa robe étendue. Elle pénétrait, immobile, dans une lumineuse extase ; elle rejoignait, ébahie, radieuse, ce bonheur auquel elle ne croyait plus ; elle reconquérait ce passé, réintégrait cette région ineffable, à jamais compromise à présent. J’étais confondu. Nous nous tûmes. Je me levai pour me retirer. Elle me tendit la main. Des larmes abondantes, silencieuses, coulaient sur