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rivale ignorante, amicale, soigneuse, et dont souvent l’aspect nous rassure ?

Nous vous aimions. Vous étiez entre nous comme le troisième état de cette passion qui, pour se rejoindre, était sans cesse contrainte de vous traverser. J’observais en vous la part de la vie de votre compagnon qui m’échappait : part secrète, similaire à la mienne et dont je n’ai jamais connu l’aveu. Je plains les femmes qui, voyant reposer sur leur cœur celui qui à travers les difficultés du mensonge, des précautions hardies et de la dissimulation est venu s’abattre dans leurs bras, ne lui octroient pas le paisible halètement, le droit à l’oubli de leur méfait commun, et la salubrité du silence. Nous vous aimions. Je n’ai rien su de vous que sa silencieuse préférence pour moi.

Dans ces rapides rencontres de l’hiver où ceux qui se rejoignent par passion étreignent sur eux une saison ruisselante de soleils et de laves ; dans ces belles heures longues et chaudes de l’été, où les êtres réunis se reposent comme Ève et Adam, dans un état de force et de paix qui établit pour chaque couple, au fond des chambres, la richesse tranquille du Paradis Terrestre ; dans cette liberté enfantine de l’allégresse où chacun parlant pour soi-même, épand la source pure des confidences plénières, j’ai pu éviter la