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Comme ces voiliers qui, sur la mer éternelle,
Se perdent dans la brume et ne reviennent pas…

Je me souviens de vous, jeune Milésienne,
Beau torse mutilé qui demeurez debout,
Comme on voit, en été, les gerbes de blé roux
Noblement se dresser dans l’onde aérienne ;

Et de vous, Amazone à cheval, et pliant
Sous le choc d’une flèche impétueuse et fourbe,
Et qui semblez mourir d’amour, en suppliant
Le vague meurtrier qui vous blesse et vous courbe.

Aigle maigre et divin convoitant un enfant,
Je vous vois, Jupiter, auprès de Ganymède ;
Votre œil de proie, où brille un amour sans remède,
Mêle un rêve soumis à vos airs triomphants.

Je me souviens de vous, jeune guerrier de marbre,
Agile Harmodius auprès de votre ami,
Qui figurez, levant vos deux bras à demi,
L’élan de l’épervier et du vent dans les arbres !

Qu’il fut beau le voyage anxieux que je fis
Sur des rives qu’assaille un été frénétique !
Et je songe, ce soir, avec un cœur surpris,
À ces temps où ma vie, errante et nostalgique,