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C’est l’effroi, la stupeur, l’appel, la déraison,
Partout où sont des mains, des yeux et des visages.

Folles, dont les soupirs comme de larges flots
Harcèlent les flancs noirs des sombres Destinées,
Vous sanglotez du moins sur votre morne îlot ;
Mais nous, les cœurs mourants, nous, les assassinées,

Nous rôdons, nous vivons ; seuls nos profonds regards,
Qui d’un vin ténébreux et mortel semblent ivres,
Dénoncent par l’éclat de leurs rêves hagards
L’effroyable épouvante où nous sommes de vivre.

Par quelle extravagante et morne pauvreté,
Par quel abaissement du courage et du rêve
L’esprit conserve-t-il sa chétive clarté
Quand tout l’être éperdu dans l’abîme s’achève ?

Ô folles, que vos fronts inclinés soient bénis !
Sur l’épuisant parcours de la vie à la tombe
Qui va des cris d’espoir au silence infini,
Se pourrait-il vraiment qu’on marche sans qu’on tombe ?

Se pourrait-il vraiment que le courage humain,
Sans se rompre, accueillit l’ouragan des supplices ?
Douleurs, coupe d’amour plus large que les mains,
Avoir un faible cœur, et qu’un Dieu le remplisse !