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Et là-bas, sous l’azur qui toujours se dévide,
Un jet d’eau turbulent et lassé tour à tour,
Semble un flambeau d’argent, une touche liquide
Qu’agite le poing de l’Amour.

Rome ploie, accablé de grappes odorantes,
La surhumaine vie envahit l’air ancien,
Les chapiteaux brisés font fleurir leurs acanthes
Aux thermes de Dioclétien !

Dans ce cloître pâmé, des bacchantes blêmies
Gisent : silence, azur, léthargiques dédains !
Le soleil tombe en feu sur la gorge endormie
De ces Danaés des jardins…

Ils dorment là, liés par les roses païennes,
Ces corps de marbre blond, las et voluptueux :
Ô mes sœurs du ciel grec, chères Milésiennes,
Que de siècles sont sur vos yeux !

L’une d’elles voudrait se dégager ; sa hanche
Soulève le sommeil ainsi qu’un flot trop lourd,
Mais tout le poids des temps et de l’azur la penche :
Elle rêve là pour toujours.

De vifs coquelicots, comme un sang gai, s’élancent
Parmi les verts fenouils, à Saint-Paul-hors-les-Murs
Un dôme en or suspend des colliers de Byzance
Au cou flamboyant de l’azur.