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Étalait sa douceur langoureuse et constante
Où gisaient, comme l’or dans un fleuve ample et pur,
Les jasmins surannés mêlés aux citrons mûrs.

L’espace suffoquait d’une imprécise attente…

Élégants, débouchant de la rue en haillons,
Des jeunes gens montaient vers le bruyant théâtre
Que d’électriques feux teintaient de bleus rayons.
Leur hâte ressemblait à des effusions,
Chacun semblait courir aux nuits de Cléopâtre.
Des mendiants furtifs, quand nous les regardions,
Nous offraient des gâteaux couleur d’ambre et de plâtre.

Sur la place, où brillaient des palais d’apparat,
La foule vers minuit s’entassait, sinueuse :
Les pauvres, les seigneurs glissaient bras contre bras,
Un orchestre opulent jouait des opéras,
L’air se chargeait de sons comme une conque creuse ;
Enfin tout se taisait ; la foule restait tard.
On voyait les serments qu’échangeaient les regards,
Et c’était une paix limpide et populeuse…

Au lointain, par delà les façades, les gens,
La mer de l’Ionie, éployée et sereine,
Sous l’éclat morcelé de la lune d’argent,
Comme une aube mouillée élançait son haleine…