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Pour voguer, pavoisé de ses mâts à ses cryptes,
Vers l’amour fabuleux de la reine d’Égypte.

Les buis des vieux jardins, comme un terne miroir
Tendaient au pur éther leur cristal vert et noir.
Un cyprès balançait mollement sous la brise
Sa cime délicate, entr’ouverte au vent lent,
Et un jet d’eau montait dans l’azur jubilant
Comme un cyprès neigeux qu’un vent léger divise…

J’errais dans les villas, où l’air est imprégné
Du solennel silence où rêve Polymnie ;
Je voyais refleurir le temps que remanie
La vie ingénieuse, incessante, infinie ;
Et, comme un messager antique et printanier,
De frais ruisseaux couraient sous les mandariniers.

Dans un jardin romain, un vieux masque de pierre
M’attirait : à travers ses lèvres, ses paupières,
On voyait fuir, jaillir l’azur torrentiel ;
Et ce masque semblait avec la voix du ciel,
Héler l’amour, l’espoir, les avenirs farouches.
Une même clameur s’élançait de ma bouche,
Et, pleine de détresse et de félicité,
Je m’en allais, les bras jetés vers la beauté !…

J’ai vu les lieux sacrés et sanglants de l’Histoire,
Les Forums écroulés sous le poids clair des cieux,