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Un parfum délicat, abondant, faible et dense,
Mouvant et spontané comme des bras ouverts,
Révèle la secrète et nocturne existence
Du monde végétal au souffle humide et vert.

Et je suis là. Je n’ai ni souhait, ni rancune ;
Mon cœur s’en est allé de moi, puisque ce soir
Je n’ai plus le pouvoir de mes grands désespoirs,
Et que paisiblement, je regarde la lune.

Je suis la maison vide où tout est flottement.
Mon cœur est comme un mort qu’on a mis dans la tombe ;
J’ai longuement suivi ce bel enterrement,
Avec des cris, des deuils, du sang, des tremblements,
Et des égorgements d’agneaux et de colombes.

Mais le temps a séché l’eau des pleurs et le sel.
D’un œil indifférent, sans regret, sans appel,
Éclairé par la calme et triste intelligence,
Je regarde la voûte immense, où les mortels
Ont suspendu les vœux de leur vaine espérance,

Et je ne vois qu’abîme, épouvante, silence ;
Car, ô nuit ! vous gardez le deuil continuel
De ce que rien d’humain ne peut être éternel…