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LA MUSIQUE DE CHOPIN


Tandis que ma mère jouait un prélude de Chopin.

Le vent d’automne, usant sa rude passion,
Élague le jardin et disperse les fleurs,
Et les arbres, emplis de force et de fureur,
Avec des mouvements de dénégation
Refusent d’écouter ce sombre séducteur…

Une humidité terne, éplorée, abattue,
Enveloppe l’étang, se suspend aux statues,
Rôde ainsi qu’une lente et romanesque amante.
La nue est alourdie et pourtant plus distante.
Le vent, comme un torrent déversé dans l’allée,
Roule avec une voix cristalline et fêlée
Des graviers reluisants et des pommes de pin…
Et, dans la maison froide où je rentre soudain,
Un prélude houleux et grave de Chopin,