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AVOIR TOUT ACCUEILLI…


Avoir tout accueilli et cesser de connaître !
J’avais le poids du temps, la chaleur de l’été,
Quoi donc ? Je fus la vie, et je vais cesser d’être
Pendant toute l’éternité !

J’ai voulu vivre afin d’épuiser mon courage,
Afin d’avoir pitié, afin d’aimer toujours,
Afin de secourir les humains d’âge en âge,
Puisque l’ambition n’est qu’un plus long amour…

— Un bondissant désir comme un torrent me gagne,
Ah ! que je hante encor le sommet des montagnes,
Que je livre mes bras aux vents de l’Occident ;
Le vert genévrier de ses senteurs me grise,
Un frein couvert d’écume éclate entre mes dents,
Se pourrait-il vraiment que l’univers détruise
Ce qu’il a fait de plus ardent !