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tel l’arbre de corail…


Et tout est orageux, furtif, païen, mystique ;
Les rêves des humains, aussi vieux que le temps,
Groupent leur frénésie, hésitante ou panique,
Dans la vasque odorante et moite du printemps !

Les nuages pourprés traînent comme un orage
Dont on a dispersé la foudre et le chaos ;
Tout se dilue et luit. Ciel au calme visage,
Tu viens séduire l’homme et les yeux des oiseaux !

— Pauvre oiseau, est-ce donc ces trompeuses coutumes,
Renaissant chaque fois que s’étend la tiédeur,
Qui te font oublier l’incessante amertume
D’un monde qui transmet la ciguë et les pleurs ?

Ton délire est le mien ; je sais qu’on recommence
À rêver, à vouloir, d’un cœur naïf et plein,
Chaque fois qu’apparaît le ciel d’un bleu de lin ;
Et que le courage est une longue espérance…

Oui, l’espace est joyeux, le vent, dans l’arbrisseau,
D’un doigt aérien creuse une flûte antique.
L’univers est plus vif qu’un bondissant cantique ;
Les fleuves, mollement, gonflent sous les vaisseaux ;
Les torrents, les brebis viennent d’un même saut
Écumer dans la plaine, où l’hiver léthargique
Fond, et suspend sa brume aux hampes des roseaux.