Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.


LE CHANT DU PRINTEMPS


« Ô Moires infinies, déesses aériennes, dispensatrices universelles, nécessairement infligées aux mortels ! »
(Hymnes Orphiques.)

Le silence et les bruits, soudain, dans l’air humide
Ont ce soir un accent plus vaste et plus ardent ;
Sur le vent aminci Février fuit, rapide,
Quelqu’un revient, je sens qu’il vient, c’est le Printemps !

Hôte mystérieux, il est là sous la terre,
Il est près du branchage éploré des forêts,
Il monte, il s’est risqué, il ne peut pas se taire,
Et son premier frisson répand tous ses secrets !

— Il passe, mais personne encore sur la route
Ne peut le soupçonner, je regarde, j’écoute :

— Oui, je t’ai reconnu, sublime Dépouillé !
Sordide vagabond sans fleurs et sans feuillage,
Qui rampes, et répands sur les chemins mouillés
Cette clarté pensive et ces poignants présages !