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PUISQU’IL FAUT QUE L’ON VIVE…


Puisqu’il faut que l’on vive, ayant de tout souffert :
Puisqu’on est, sous les coups du muet univers,
Le stoïque marin d’un persistant naufrage ;
Puisque c’est à la fois l’instinct et le courage
D’avancer, en laissant tomber à ses côtés
Tous les lambeaux du rêve et de la volupté,
Et, qu’ayant moins de force, on se prétend plus sage ;
Puisque, sans accepter, il faut pourtant subir,
Et que, songeur aveugle, on dépasse l’obstacle
Comme des morts vivants glissant vers l’avenir ;
Puisqu’on est tout à coup surpris par le miracle
Du printemps qui revient comme un apaisement :
Arc-en-ciel jaillissant des sombres fondements ;
Puisqu’on sent circuler de la terre à la nue
L’entrain mystérieux par qui tout continue,