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JE VIS, JE PENSE, ET L’OMBRE…


Je vis, je pense, et l’ombre insensible et divine
Dans le vallon obscur m’entoure de splendeur ;
Le romanesque vent, en s’ébattant, incline
Sur le noir oranger le sureau lourd d’odeur.

Et je suis le témoin vigilant, perspicace,
De cette heure fougueuse où tout tressaille et boit ;
Et rien qu’en respirant, je retrouve la trace
Des passants glorieux engloutis avant moi.

Et pourtant quel silence ! Immobile présage,
Les étoiles aux cieux maintiennent fixement
Leur calme groupement, irrégulier et sage,
Vestige ténébreux d’un vaste événement.