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Consolez-nous parfois dans cette forteresse
Dont vous tenez les clefs et fermez le vitrail ;
Laissez-nous pressentir les futures caresses
Et leur fraîche beauté d’eau bleue et de corail !

C’est trop d’être privé de la douce espérance,
D’être comme un forçat serré le long du mur,
Qui ne peut pas prévoir sa juste délivrance,
Car la fenêtre est haute et les verrous sont durs.

Pourquoi ce faste affreux de l’angoisse où nous sommes,
Pourquoi ce deuil royal et ces chagrins pompeux,
Puisqu’il vous plaît parfois d’avoir pitié des hommes
Et de remettre encor le bonheur auprès d’eux ?

Faut-il donc au Destin ces heures pantelantes,
L’émeut-on par un corps qui tremble et qui gémit ?
Nos pleurs sont-ils un peu de cette huile brûlante
Que Psyché répandit sur l’Amour endormi ?

S’il se peut, écartez ces moments de la vie
Où nous sommes broyés sous un joug trop étroit,
Et, pareils aux mineurs dans la noire asphyxie,
Nous tentons d’écarter le roc avec nos doigts.