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— Seigneur, vous l’entendez, je n’ai pas d’autre offrande
Que ces pourpres charbons retirés des enfers,
Depuis longtemps l’eau vive et l’agreste guirlande
S’échappaient de mes bras, épars comme un désert.

Mais ce que je vous donne est le soupir des âges ;
L’orgueil désabusé porte la corde au cou ;
Et ma simple présence est comme un clair présage
Qu’un siècle plus gonflé veut s’écouler en vous.

Ce n’est pas la langueur, ce n’est pas la faiblesse
Qui me fait vous louer et vers vous me conduit,
Mais l’exaltant soleil, comblé de mes caresses,
Quand mon esprit souffrait l’a laissé dans la nuit.

— J’ai vu que tout priait, le désir et la plainte,
Que les regards priaient en se cherchant entre eux,
Que les emportements, le délire et l’étreinte
Sont la tentation que nous avons de Dieu.

Je ne puis l’expliquer, mais votre éclat suprême
Semble être mon reflet au lac d’un paradis,
Un soir je vous ai vu ressembler à moi-même,
Sur la route où mon corps par l’ombre était grandi ;