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J’ai longtemps recherché le somptueux prodige
D’un tout-puissant bonheur sans fond et sans parois :
La profondeur est close au prix de mon vertige,
Et mon torrent toujours rejaillissait vers moi.

Ni les eaux, ni le feu, ni l’air ne vous célèbrent
Autant que mon inerte, actif et vaste amour ;
La lumière est en moi, j’erre dans les ténèbres
Quand mes yeux sont voilés par la clarté du jour !

Jamais un être humain avec plus de constance
N’a tenté de vous joindre et d’échapper à soi.
Au travers des désirs et de leur turbulence,
J’ai cherché le moment où l’on vous aperçoit.

— Je vous ai vu au bord de ces païens rivages
Où les temples ouverts, envahis par l’été,
Maintiennent dans le temps, avec un long courage,
De votre aspect changeant la multiple unité.

Je vous vois, dieu guerrier, quand la foule unanime,
Effaçant ses contours, arrachant ses liens,
Semble un compact éther aspiré par les cimes
Et gagne le sommet de monts cornéliens.