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la prière


Mais je n’offre jamais qu’une âme inassouvie
Qui vous exige ainsi qu’un plus vaste pouvoir,
Et qui, dépassant l’air, les formes et la vie,
Poursuit jusqu’en vous-même un éclatant savoir.

Pourtant, regardez-nous, sur les routes réelles
Où nous luttons, mêlés de constance et d’exil,
Accoutumés au sol et tentés par les ailes,
Absents de nous déjà, et vers vous en péril…

— Être toujours vaincu et ne pouvoir l’admettre,
Ne pas donner au sort notre consentement,
Et, quand de toute part la mort monte et pénètre,
Rire comme la mer en son blanc flamboiement !

Persévérer en soi malgré l’ardeur nouvelle,
Malgré l’arrachement et la mobilité,
Et sentir je ne sais quelle vie éternelle
Jaillir du seul effort humain d’avoir été.

Avoir toujours cherché, pressenti l’impossible
Comme un sûr continent épandu et dissous ;
Et partout exigé un amour réversible,
Qui fait que l’onde aussi aurait eu soif de nous ;