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Ceux-là, vivant enclos dans leurs frais béguinages,
Souhaitent le futur et vague paradis,
Qui leur promet un large et flamboyant voyage
Où s’embarquent les cœurs confiants et hardis.

Mais ceux qui, plus heureux, ont connu votre audace,
Ô bleuâtre Orient ! Incendie azuré,
Prince arrogant et fier, favori de l’espace,
Monstre énorme, alangui, dévorant et doré ;

Ceux qui, sur le devant de leur ronde demeure,
Coupole incandescente, opacité de chaux,
Ont vu la haute palme éparpiller les heures,
Qui passent sans marquer leurs pieds sur les cieux chauds,

Ceux qui rêvent le soir dans le grand clair de lune,
— Aurore qui soudain met sa robe d’argent
Et trempe de clarté la rue étroite et brune,
Et le divin détail des choses et des gens, —

Ceux qui, pendant les nuits d’ardente poésie,
Égrenant un collier fait de bois de cyprès,
Contemplent, aux doux sons des guitares d’Asie,
Le long scintillement d’un jet d’eau mince et frais,