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Mais, hélas ! les humains et la grande Nature
N’échangent plus leur sombre et différente humeur ;
Entre eux tout est mensonge, épouvante, imposture ;
Les souhaits infinis, les peines, les blessures
Ne trouvent pas en elle un remède à leurs pleurs.
La terre indifférente, exhalant ses senteurs,
N’a d’accueil maternel que pour celui qui meurt.

— Terre, prenez les morts, soyez douce à leur rêve ;
Serrez-les contre vous, rendez-les éternels,
Donnez-leur des matins de rosée et de sève,
Mêlez-les à vos fruits, vos métaux et vos sels.

Qu’ils soient participants à vos soins innombrables,
Que, depuis le sol noir jusqu’au divin éther,
Plus légers, plus nombreux que les vents du désert,
Ils aillent, légion furtive, impondérable !

Mais nous, nous ne pouvons qu’être des cœurs humains :
Nous habitons l’esprit, les passions, la foule ;
Nous sommes la moisson, et nous sommes la houle ;
Nous bâtissons un monde avec nos tristes mains ;
Et tandis que le jour insouciant se lève
Sans jamais secourir ou protéger nos rêves,
La force de nos cœurs construit les lendemains…