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Et la nuit vient, serrant ses mailles d’argent sombre
Sur l’Alpe bondissante où le jour ruisselait,
Et c’est comme un subit, sournois coup de filet,
Capturant l’horizon, qui palpite dans l’ombre
Comme un peuple d’oiseaux aux voûtes d’un palais…

Un vert fanal au port tremble dans l’eau tranquille ;
Tout a la calme paix des astres arrêtés ;
Il semble qu’on soit loin des champs comme des villes ;
L’air est ample et profond dans l’immobilité ;
Et l’on croit voir jaillir de sensibles idylles
De toute la douceur de cette nuit d’été !

— Pourquoi nous trompez-vous, beauté des paysages,
Aspect fidèle et pur des romanesques nuits,
Engageante splendeur, vent courant comme un page,
Secrète expansion des odeurs, calme bruit,
Silencieux désirs montant du fond des âges ?

Pourquoi nous faites-vous espérer le bonheur
Quand, par delà les lois, l’esprit, la conscience,
Vous ressemblez au but qu’entrevoit le coureur ?
Dans un séjour où rien n’est péché ni douleur,
Sous l’arbre désormais béni de la science,
Vous convoquez les corps et les cœurs pleins d’ardeur !