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UN AUTOMNE À VENISE


Ah ! la douceur d’ouvrir, dans un matin d’automne,
Sur le feuillage vert, rougeoyant et jauni,
Que la chaleur d’argent éclabousse et sillonne,
Les volets peints en noir du palais Manzoni !

Des citronniers en pots, le thym, le laurier-rose
Font un cercle odorant au puits vénitien,
Et sur les blancs balcons indolemment repose
Le frais, le calme azur, juvénile, ancien !

Ah ! quelle paix ici, dans ce jardin de pierre,
Sous la terrasse où traîne un damas orangé !
On n’entend pas frémir Venise aventurière,
On ne voit pas languir son marbre submergé…

— Qu’importe si là-bas Torcello des lagunes
Communique aux flots bleus sa pâmoison d’argent,
Si Murano, rêveuse ainsi qu’un clair de lune,
Semble un vase irisé d’où monte un tendre chant !