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MUSIQUE POUR LES JARDINS DE LOMBARDIE


Les îles ont surgi des bleuâtres embruns…
Ô terrasses ! balcons rouillés par les parfums !
Paysages figés dans de languides poses ;
Plis satinés des flots contre les lauriers-roses ;
Nostalgiques palmiers, ardents comme un sanglot,
Où des volubilis d’un velours indigo
Suspendent mollement leurs fragiles haleines !…
— Un papillon, volant sur les fleurs africaines,
Faiblit, tombe, écrasé par le poids des odeurs.
Hélas ! on ne peut pas s’élever ! La langueur
Coule comme un serpent de ce feuillage étrange,
Le thé, les camphriers se mêlent aux oranges.
Forêts d’Océanie où la sève, le bois
Ont des frissons secrets et de plaintives voix…
Ô vert étouffement, enroulement, luxure,
Crépitement de mort, ardente moisissure
Des arbres exilés, qu’usent en cet îlot
La caresse des vents et les baisers de l’eau…
— Et Pallanza, là-bas, sur qui le soleil flambe,
Semble un corps demi-nu, languissant, vaporeux,