Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.
137
dans l’azur antique


Les soirs de Sybaris et la mer africaine
Prolongeaient devant moi les baumes de mon cœur ;
L’Arabie en chantant me jetait ses fontaines,
Les âmes me suivaient à ma suave odeur.

Comme l’âpre Sicile, épique et sulfureuse,
Je contenais les Grecs, les Latins et les Francs,
Et ce triangle auguste, en ma pensée heureuse,
Brillait comme un fronton de marbre et de safran !

Un jour l’été flambait, le temple de Ségeste
Portait la gloire d’être éternel sans effort,
Et l’on voyait monter, comme un arpège agreste,
Le coteau jaune et vert dans sa cithare d’or !

Le blanc soleil giclait au creux d’un torrent vide ;
Des chevaux libres, fiers, près des hampes de fleurs
S’ébrouaient ; les parfums épais, gluants, torrides
Mettaient dans l’air comblé des obstacles d’odeurs.

Des lézards bleus couraient sur les piliers antiques
Avec un soin si gai, si chaud, si diligent,
Que l’imposant destin des pierres léthargiques
Semblait ressuscité par des veines d’argent !