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le monde intérieur


« Tu es sans foi ; va-t’en vers les corps, vers les âmes,
Rien de nous ne peut plus se mêler à ton cœur.
Tu n’es plus cette enfant, libre comme la flamme,
Qui montait comme un jet de bourgeons et d’odeurs !

« Nous fûmes ta maison, ta paix et ton refuge,
Tu n’avais pas, alors, connu le mal humain,
Mais tes pleurs effrénés, plus forts que le déluge,
Ont détruit nos moissons et troublé nos chemins.

« Nous ne serions pour toi qu’un décor taciturne
Qui te fut sans secours dans d’insignes douleurs ;
Fuis l’aube vaporeuse et l’étoile nocturne,
Ton désir s’est voué au monde intérieur !

« L’aurore, les matins, les brises, les feuillages,
Les cieux, frais et bombés comme un cloître vivant,
Les cieux qui, même alors que l’été les ravage,
Contiennent la splendeur immobile des vents,

« Tu les verras au bord des visages qui rêvent,
Où la pâleur ressemble à des soleils couchants,
Au fond des yeux, tremblants comme un lac où se lève
L’orchestre des flots bleus, des rames et des chants !