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LE MEURTRIER


Musique : Délivrance et suffocation,
Clameur sanctifiée, unanime supplique,
Pardon, salut, amour !
Pardon, salut, amour ! Vous aviez la Musique !

Et de ces grsgides voix qui s’obstinaient chez vous,
Qui transportaient au loin vos sonores frontières.
Par qui vos durs aïeux pouvaient sembler absous.
De ces voix tour à tour tendres, saintes, altières,
Vous avez fait, — sinistre instrument du hasard, —
Des fantômes voilés et couronnés d’épines.
Qui ne chanteront pas pendant qu’on assassine…
— Schumann, Beethoven, Hændel, Schubert, Mozart,
Océan soulevé par le bleu clair de lune,
Évaporation des âmes, soirs, lagunes.
Foules sur les sommets, sources dans le désert,
Vous guidiez vers la nue en habitant l’éther !
Quand vos cris somptueux s’épandaient sur nos rêves.
Quand on montait vers vous comme le blé qui lève.
On saluait un peu l’Allemagne, on pensait :
Puisque le plus divin des anges, Dieu le sait,
A choisi pour séjour leurs nébuleuses rives,
Il faudra que le temps de la douceur arrive ;
La nation sera par ses musiciens
Sauvée. Ainsi Jésus voulut prendre pour sien
Le peuple qu’il savait désigné pour la faute,
Afin que chaque juif eût en lui, — comme un hôte