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ENTRE LES TOMBEAUX ET LES ASTRES


Le glacial printemps, pétillant et bleuâtre,
S’élance du cristal léger de notre sang.
Tout ce qui fut demeure ; ô vie opiniâtre
Combien les morts sont agissants !

Et pourtant une aride et tendre convoitise
Vient troubler l’allégresse alerte de nos jours,
Nous n’avons pas, avant que le Destin nous brise.
Connu la douleur de l’amour.

Nous n’avons pas connu ce qu’enseignent les livres
Ces détresses, ces pleurs, ces suffocations.
N’est-ce pas pour souffrir qu’il est joyeux de vivre ?
Ah ! parlez-nous des passions !

Quel est donc ce danger qu’un jeune mort élude ?
Suave inconnaissance, et qui nous fait languir !
Les morts ont, de l’amour, l’immense plénitude,
Mais les vivants ont le désir… »

Ainsi parlent les voix des sources et des sèves,
Le feuillage chantant de la forêt, les fruits
Bourdonnants de soleil, la colline où s’élève
Le village qui fut détruit.